Rideau. Le compte à rebours est enclenché pour les 31 ministres du gouvernement Villepin. « A trois semaines du premier tour, maintenant, c’est le saut dans l’inconnu, on ne contrôle plus rien », glisse Jean-François Copé, lucide.
S’il y en a un qui sait ce qu’il fera, c’est Dominique de Villepin. Flanqué de douze ministres chiraquiens, le premier ministre a tiré sa révérence, lundi 2 avril, en se livrant, pour la dernière fois, à l’exercice de sa conférence de presse mensuelle.
Fier, il a affirmé laisser le pays dans un meilleur état que ne le lui avait laissé son prédecesseur, Jean-Pierre Raffarin : « Si l’on compare la situation qui était celle de la France il y a deux ans, au lendemain d’un référendum perdu, et la situation d’aujourd’hui, je crois que, dans tous les domaines, les choses ont été remises sur les rails et améliorées. »
Orgueilleux, il affirme avoir toujours su qu’il serait absent de la campagne présidentielle : « En me proposant d’être premier ministre, Jacques Chirac m’avait dit :’dans ce cas, mon cher Dominique, vous ne serez pas candidat à la présidence de la République’. »
Têtu, il a confirmé son refus de solliciter d’une manière ou d’une autre un mandat électif : « Je suis convaincu qu’il y a d’autres chemins (que le suffrage universel) et que l’esprit de mission vaut onction… on ne se refait pas ! ».
Mystérieux, il laisse planer le doute sur ses prochaines occupations : « Je ne suis pas un homme de demi-mesure, j’ai des passions, je poursuivrai dans la voie de ces passions, convaincu que dans la vie on a plusieurs vies. »
Si le premier ministre va enseigner « aux Etats-Unis, en Chine, au Moyen-Orient et en Afrique », cela ne constituera pas son activité principale. « Je ferai des choix qui professionnellement m’engageront », affirme-t-il.
Se placer en réserve de la République ? « Les étagères sont pleines de recours qui prennent la poussière« , répond-t-il. « Le seul vrai recours, c’est la vie, il faut d’abord rester vivant« , ajoute-t-il. En trahissant une ambition intacte : « le recours, c’est les circonstances« .
Dominique de Villepin est déjà en route pour l’Aventin. Son rôle dans la campagne présidentielle sera discret. Concédant que Nicolas Sarkozy « est le mieux à même » de porter les choix de leur famille politique, il est possible que le premier ministre s’affiche à ses côtés sur une tribune : « La chose est prévue »…
Il y a en revanche trois ministres qui ont l’intention de profiter de chaque minute qu’il leur reste. Nouveaux promus du gouvernement « Villepin II », le ministre de l’intérieur François Baroin, le ministre de la santé Philippe Bas et le ministre délégué à l’outre-mer, Hervé Mariton, ont six semaines pour faire leurs preuves.
En quelques jours, François Baroin a défini sa ligne : « Fermeté et sérénité ». Rivalisant avec Nicolas Sarkozy, il a « chargé » le resquilleur de la gare du Nord, à l’origine de la nuit de violences du 27 mars et il est revenu sur le principe du moratoire, en période scolaire, des expulsions de parents d’enfants scolarisés. Veut-il donner des gages à Nicolas Sarkozy pour l’après-présidentielle ? « Il en faudrait sans doute beaucoup plus… », rétorque le plus chiraquien des ministres.
Le nouveau ministre de la santé, longtemps conseiller de Jacques Chirac, continue, lui, d’essayer de gommer son image de technocrate. « J’ai commencé auprès de Simone Veil, alors ministre des affaires sociales en 1993. Je ne suis pas en phase d’apprentissage », assure Philippe Bas. Il fait comme s’il était en poste depuis des lustres et s’apprêtait à le rester pour une durée indéterminée. Certes, l’ancien ministre délégué à la Sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille n’a eu qu’un étage à descendre dans l’immeuble de l’avenue de Ségur pour occuper le fauteuil de Xavier Bertrand, devenu porte-parole du candidat Sarkozy. Il n’empêche : Philippe Bas n’en finit pas d’énumérer les dossiers qu’il veut boucler en six semaines : un plan maladies chroniques, un plan santé et violence, la permanence des soins… Sans oublier sa propre campagne pour un siège de député dans la Manche.
Seul vrai « bleu » du gouvernement, le nouveau ministre de l’outre-mer se demande, lui, s’il parviendra à quitter la métropole. De l’outre-mer, Hervé Mariton connaît surtout La Réunion, où il s’est rendu pendant la crise du chikungunya, le « tchik » comme il dit. Il se souvient d’avoir apporté aux Réunionnais un stock d’essence de lavande : un ami lui avait garanti que c’était un remède souverain contre les piqûres de moustiques. « Je veux être utile », plaide-t-il. L’installation du nouveau préfet des îles de Saint-Martin et Saint-Barthélémy, qui viennent d’être érigées en collectivités territoriales, lui donnera peut-être l’occasion de voyager. Ou un tsunami en Nouvelle-Calédonie, un cyclone à La Réunion, une émeute aux Antilles ? Son téléphone portable sonne quand il est dans sa circonscription de la Drôme, pour l’avertir que le piton de la Fournaise est entré en éruption…
Source: Michel Delberghe, Christophe Jakubyszyn et Xavier Ternisien (Le Monde)