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Le précurseur (3/9): Dominique de Villepin, dans Le cri de la gargouille

Chaque weekend du mois d’août, retrouvez notre série « Le précurseur »: un florilège d’écrits de Dominique de Villepin choisis par Miss Nicopéia.

Troisième épisode ce dimanche 8 août, sur le thème des fractures.

Extrait du Cri de la gargouille, par Dominique de Villepin

« La destructuration de la société salariale inventée par les Trente Glorieuses a créé de nouvelles fractures, entre salariés et chômeurs, entre chômeurs de courte et de longue durée, entre emploi à durée indéterminée et emploi précaire, entre ceux qui travaillent à l’exportation et ceux qui dépendent exclusivement du marché national. S’exacerbent aussi les clivages entre travailleurs français et immigrés, citoyens des villes et des banlieues, urbains et ruraux.

Dominant ces antagonismes, le clivage peuple-élite se complique d’une opposition grandissante entre les anciennes classes moyennes, nouveau tiers-état, et une aristocratie restreinte détentrice du pouvoir et du savoir, tandis qu’un « protectorat » vit en partie à l’abri des exigences de l’époque dans les secteurs protégés et que grossit une masse toujours plus amère d’exclus.

Devant cette destructuration, les hommes s’accrochent à leur identité comme à une ultime bouée de sauvetage. Les minorités la revendiquent et la brandissent comme un étendard. »

(…) « Chacun, chaque groupe campe dans la société, exigeant un retour sans considération de sa contribution. Société infantile de droits sans devoirs, de libertés sans responsabilités.

Ne faut-il pas songer à assouplir l’égalité par l’équité pour corriger les inégalités de départ? L’organisation de la société et la gestion de l’espace, une autre vision de la cité, de l’urbanisme, comme de l’équilibre ville-campagne, sont à inventer. »

(…) « Tel un train, la nation comporte beaucoup de wagons mais bien peu de passerelles pour progresser de l’un à l’autre. (…) Une lourde responsabilité pèse sur les politiques, qui s’épuisent à faire tomber la fièvre sans vraiment chercher à identifier le virus. »

(…) « Le fossé grandit entre la France exposée au vent du large, qui prend des risques et qui en crée, et celle qui s’abrite sous l’aile de l’Etat. (…) Derrière cette opposition deux conceptions de la démocratie s’affrontent encore et toujours : l’idéologie de Rousseau ou les procédures de Tocqueville, la République absolue contre la démocratie d’équilibre. Cette autre dualité française fait de chaque décision, chaque choix, un nouvel écartèlement. »

Source: Dominique de Villepin – « Le cri de la gargouille », Albin Michel 2002, pp85, 86, 87, 88, 89.

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