Print Shortlink

Le sursaut d'orgueil de Dominique de Villepin

L’ancien Premier ministre a écrit à ses troupes, lundi après-midi, pour les remobiliser. Beaucoup attendent toujours des preuves.

Outre sa ligne parfaite et son inimitable mèche, Dominique de Villepin a de quoi écoeurer nombre de candidats à la présidentielle… ou en tout cas ceux qui naviguent, comme lui, aux alentours de 1 % d’intentions de vote. Qui, de Nicolas Dupont-Aignan, Christine Boutin, Corinne Lepage ou encore Hervé Morin ont eu droit, comme lui, à une avalanche d’articles dans la presse anglo-saxonne à l’annonce de leur candidature ? Ou même à leur visage en gros plan et en boucle une journée entière sur les chaînes d’info en continu ? C’est là tout le paradoxe de l’ancien Premier ministre…

Tous les indicateurs pour son éventuelle candidature sont au rouge, et la presse française n’a pas manqué de le souligner. Pourtant Villepin se paye le luxe, avec son annonce surprise, de susciter « l’inquiétude » de l’UMP, la jubilation du PS, le silence consterné de son rival François Bayrou… le tout à la plus grande joie de l’ensemble des médias. Sa candidature pourrait « provoquer un 21 avril à l’envers », a par exemple déclaré Valérie Rosso-Debord, tandis que des socialistes affirmaient qu’elle était une « mauvaise nouvelle pour Nicolas Sarkozy ».

Est-ce à sa renommée internationale, à son caractère imprévisible ou encore à son style flamboyant que Villepin doit d’être ainsi pris au sérieux ? Tout indique pourtant que sa décision n’a été prise qu’il y a quelques jours et sa démarche ressemble à s’y méprendre à un sursaut d’orgueil. Ses très proches ont été informés dans l’heure qui a précédé. Le patron de la rédaction d’un hebdomadaire, l’interviewant la semaine dernière au sujet de l’affaire Takieddine, s’est même entendu répondre : « Si ça continue comme ça, je vais finir par y aller ! » Un ancien de République solidaire explique encore que, dans la perspective de sa candidature, il avait « toujours été un enjeu de partir avant Bayrou ». Or voilà au moins quinze jours que Villepin avait donc laissé filer le coche… Un député UMP, qui a quitté Villepin, commente : « Je suis sûr que l’affaire Relais et Châteaux (dans laquelle le nom de l’ancien Premier ministre est cité, depuis la semaine dernière, NDLR) a été un élément déclencheur. Tout comme ce sondage qui en faisait l’ancien Premier ministre préféré des Français, avec Bérégovoy… »

« Les caisses sont vides »

Depuis bientôt un an, on ne comptait plus les signes d’un renoncement annoncé : en septembre, alors qu’il ne pouvait déjà plus compter que sur le soutien de deux députés – les UMP Jean-Pierre Grand et Marc Bernier -, Villepin a quitté la présidence d’un parti vidé de ses troupes. Le coup de grâce, pour les membres de son staff de campagne qu’il lui restait et qui étaient déjà préoccupés depuis des mois par son incapacité à réorganiser ses équipes et son absence du terrain. « Il est convaincu qu’une campagne présidentielle peut se faire avec trois types sur un coin de table », soupiraient nombre d’entre eux. Déçus aussi par un patron qui a fait la sourde oreille quand ses propres équipes ont fait connaître leurs doutes sur son programme. « Si ce n’est pas moi qui ai la vision, qui l’aura ? » répondait-il, laconique.

Lundi, des cadres de RS encore incrédules s’interrogeaient : « Les caisses sont vides. Comment fait-on ? » Villepin n’a par ailleurs jamais consenti à désigner une personne au sein de son mouvement pour être en charge de la collecte des précieux parrainages. Jean-Pierre Grand ainsi que certains présidents de fédération en auraient dégoté en tout une cinquantaine, selon une source interne. Lundi après-midi, les troupes n’avaient toujours pas été informées d’un quelconque plan de bataille. Mais Villepin a tout de même envoyé une longue lettre par e-mail à ses « amis », avec l’intention manifeste de redonner confiance.

« Les mots ne suffisent pas, il faut des preuves »

Elle commence ainsi : « J’ai annoncé ma décision de me présenter à l’élection présidentielle. C’était, je ne le cache pas, une décision difficile, car je ne suis pas, comme d’autres, un candidat de naissance ou de profession dont tout le parcours serait dirigé vers la candidature. Difficile aussi, car tout a été fait pour m’empêcher d’être candidat, des débauchages de personnes jusqu’à l’acharnement personnel. Je mesure aussi toutes les difficultés concrètes d’un tel engagement. » « Dans cette bataille présidentielle, poursuit-il, nous n’entrons pas dépourvus d’atouts. Nous pouvons nous appuyer sur une expérience et un bilan. Mes deux années de gouvernement, ce sont 50 milliards de déficit en moins. Les cinq années depuis 2007, ce sont 500 milliards de dettes de plus. En deux ans, nous avions 600 000 chômeurs de moins. Nous pouvons nous appuyer sur ce que nous avons construit avec patience et cohérence avec nos convictions républicaines tout au long des dernières années avec République solidaire, depuis la formidable aventure de la halle Freyssinet. Nous pouvons nous appuyer sur une certaine idée de la France, sur l’exigence et sur le sens du service et de l’intérêt général. » Et de conclure : « Chacun doit désormais trouver sa place pour apporter sa pleine contribution à nos victoires. »

Beaucoup continuent d’espérer que Villepin les éclairera plus sur sa stratégie lors de sa conférence de presse, mardi matin. « Les mots ne suffisent pas, il faut des preuves, un agenda, une équipe », commente encore Xavier Jaglin, président de la fédération de l’Orne de RS. D’autres restent encore plus sceptiques : « Il n’acceptera jamais de subir l’affront d’un score minable à la présidentielle. » Et de regretter : « C’est sûr qu’il me fait plus vibrer que Bayrou, mais si le plan d’attaque est toujours le même, c’est consternant… » Le dernier déplacement de campagne de Dominique de Villepin remonte à juillet 2011. Ce jour-là, il confiait au Point.fr : « Il faut que les choses aillent très, très mal pour qu’elles puissent aller mieux. » Sur les sondages, qui à l’époque le plaçaient à environ 3 % d’intentions de vote, il assurait : « Ils seraient bien plus hauts si j’avais annoncé ma candidature… » Réponse dans les semaines qui viennent.

Source: Pauline de Saint Remy, Le Point

*****

Le contretemps de Villepin

Il était gaulliste et ancien Premier ministre. Il en appelait à un gouvernement de « salut public » et ne jugeait pas à la hauteur le candidat de son parti. Nul ne réussit à le dissuader d’être candidat à l’élection présidentielle. Il obtint 1,66 % des voix. C’était en 1981. Il s’appelait Michel Debré. S’il va jusqu’au bout de sa candidature, Dominique de Villepin pourrait connaître le même triste sort que lui, qui fut pourtant le père de la Constitution de 1958.

Outre sa capacité à créer la surprise, l’ancien Premier ministre part avec bien peu d’atouts dans son jeu. Déjà peu nombreux, ses soutiens n’ont cessé de s’étioler au fil de ces trois dernières années, aujourd’hui réduits à une poignée d’élus. Lancé avec fracas le 19 juin 2010, son parti, République solidaire, n’a jamais démontré sa force. Son programme et sa proposition phare de « revenu citoyen » n’ont guère convaincu. Ses relaxes dans l’affaire Clearstream ne lui ont pas permis de rebondir malgré leur médiatisation théâtrale. Dans l’électorat de la majorité, la lassitude de Sarkozy ne s’est pas traduite en désir de Villepin.

L’homme du discours à l’ONU s’est finalement banalisé. Et s’est déclaré à contretemps. Il aurait pu prendre Jean-Louis Borloo et François Bayrou de vitesse en se déclarant le premier et en les forçant à se positionner par rapport à lui. Ou, au contraire, jouer son va-tout sur une campagne éclair. Il a choisi un entre-deux, au moment où le président du Modem décolle dans les sondages et attire l’attention médiatique. Avec un espace déjà occupé et des sondages aussi bas, Villepin aura du mal à expliquer que « l’union nationale » qu’il prône ne peut exister qu’autour de lui.

L’ancien ministre de l’Intérieur, enfin, choisit de défier Nicolas Sarkozy au moment où il affiche des relations « républicaines et apaisées » avec lui. Son entrée en lice pouvait être l’aboutissement de son combat avec le chef de l’Etat. Sa déclaration surprise après une phase d’accalmie donne à sa stratégie des airs de « stop and go » peu lisibles.

Source: Les Echos (Guillaume Tabard)

*****

François Goulard: «La candidature de Villepin est respectable mais inopportune»

Le député (UMP) François Goulard, ancien proche de Dominique de Villepin, juge que dans un contexte de crise et de Front national haut dans les sondages, «il vaudrait mieux une diversité de contributions que de candidatures».

Libération: Avez-vous été surpris – comme tout le monde – par l’annonce de candidature de Dominique de Villepin ?

François Goulard: Oui, bien sûr. Même ses plus proches ne s’attendaient pas à cette déclaration.

Vous avez pris vos distances avec Villepin depuis quelques mois. Qu’en est-il aujourd’hui et le suivez-vous dans sa décision de se présenter ?

Tout en lui restant fidèle et en ayant beaucoup de respect et d’estime pour lui, je me suis démarqué de son projet, qu’il a présenté en avril, notamment de sa proposition de revenu citoyen. Je garde la même position. Je ne suis pas de ceux qui disent qu’il est illégitime ou qu’il est un diviseur. Sa candidature est totalement respectable mais je la juge inopportune, et je ne le soutiens pas.

Ne jugez-vous pas qu’il a sa place dans le débat de la présidentielle ?

Sa voix, ses idées, sa manière de voir les choses sont évidemment intéressantes. Et peut-être n’en serions-nous pas arrivés là s’il avait davantage été écouté avant. Le monolithisme au sein de l’UMP est un inconvénient depuis des années.

Mais dans la situation dans laquelle nous sommes, une crise profonde et toujours l’hypothèque de Marine Le Pen au second tour, il vaudrait mieux une diversité de contributions qu’une diversité de candidatures. Mais cela implique que tout le monde fasse l’effort.

Villepin a jugé lui-même ses relations avec Nicolas Sarkozy «républicaines et apaisées». Ne cherche-t-il pas à faire monter les enchères avant un ralliement, au final, au président sortant ?

Non, on peut tout reprocher à Dominique de Villepin mais ce serait une erreur profonde de penser qu’il peut se présenter pour monnayer quoi que ce soit. Ce n’est pas du tout sa personnalité. S’il avait voulu se rallier, il se serait rallié. Et puis pour négocier quoi? Il n’a nulle envie de se présenter aux législatives. Villepin se présente pour se faire entendre au bon sens du terme.

Le fondateur de République solidaire a-t-il les moyens d’aller au bout de sa candidature ?

Il doit surmonter au moins deux obstacles: celui des 500 signatures, très difficiles à obtenir pour tout candidat hors des deux grands partis, et celui des réserves financières. Son mouvement n’a pas d’argent. Et son potentiel de rassemblement a été nettement plus élevé: il y a un an et demi, les sondages le donnaient à 10%.

Qui allez-vous soutenir dans cette campagne ? François Bayrou ? Nicolas Sarkozy ?

Non, je n’ai pas l’intention de soutenir François Bayrou. En tant que député [et maire de Vannes, dans le Morbihan, ndlr], je juge nécessaire de sortir de la situation dans laquelle nous sommes. La principale question, celle qui écrase toutes les autres, est: quelles mesures prend-on pour sortir de la nasse? Que veut-on: le plan du PS ou le plan de l’UMP? Pour moi, ce n’est pas la copie socialiste même si le second est loin d’être abouti.

Source: Libération (propos recueillis par Laure Equy)

*****

Le gaulliste ira-t-il jusqu’au bout ?

Dominique de Villepin a-t-il réellement l’intention d’aller jusqu’au bout de sa candidature à l’élection présidentielle, annoncée dimanche soir ? Oui, affirme son entourage, réduit à quelques soutiens depuis que l‘ex-Premier ministre a créé son mouvement, République solidaire, en juin 2010. Marc Bernier, l’un des deux parlementaires restés fidèles, en est convaincu : « C’est une candidature réfléchie, il a la stature d’un homme d’Etat, il ira. »

« J’ai l’intime conviction qu’il n’ira pas, pense à l’inverse Jacques Le Guen (UMP). Pourra-t-il rassembler 500 signatures ? Il n’a pas de moyens pour financer sa campagne, comment fera-t-il ? », avance l’ancien proche aujourd’hui rallié au sarkozysme. Argument repris par plusieurs élus de la majorité qui, comme Valérie Rosso-Debord (UMP), le mettaient hier en garde contre « le risque d’émiettement des voix » et l’appelaient à « rejoindre la famille ».

Officiellement, Dominique de Villepin a enterré la hache de guerre avec Nicolas Sarkozy, alors pourquoi être candidat ?

Pour Marie-Anne Montchamp, ex-porte-parole de République solidaire aujourd’hui secrétaire d’Etat, il s’agit d’« une trajectoire personnelle très intime » sans réels fondements. « Cela ne fait pas dix ou quinze ans qu’il se prépare. »

Un politique aguerri, sous couvert d’anonymat, se déclarait hier persuadé que Villepin « se retirera donc avant même le premier tour. Avec Sarkozy, ils se sont vus à la Lanterne [à Versailles] pour parler sérieusement. »

Stéphane Rozès, président de la société de conseil CAP, croit lui aussi qu’« il pourrait monnayer sa parole, pendant le moment de la quête des 500 signatures ». Mais s’il obtient ses parrainages, « difficile de se dérober », poursuit-il. Dans ce cas-là, Villepin ne négociera rien, il ira jusqu’au bout.

Malgré plusieurs affaires en justice – il sera entendu en janvier comme témoin dans le volet financier de l’affaire Karachi et son nom est cité dans l’affaire des Relais & Châteaux.

Et quitte à devenir le nouveau Michel Debré. En 1981, celui-ci avait recueilli moins de 2 % des suffrages, avant d’appeler à voter pour Valéry Giscard d’Estaing.

Source: 20 Minutes

3 Commentaires

  1. yanamar

    Nous on s’en fout de ce qu’écrit le Point, qui n’est pas un modèle d’objectivité concernant Dominique de Villepin, tout ces perroquets auraient dû annoncer dans un premier temps qu’ils se sont trompés sur DDV et l’affaire clearstream, c’était la moindre des choses et doublement trompés car tout ces braves gens avaient pronostiqué la non candidature de DDV
    Pour nous il n’y en a qu’un c’est Dominique de Villepin pour 2012

  2. charles

    « Tous les indicateurs pour son éventuelle candidature sont au rouge ».
    Mai 40, c’était pareil, mais, en pire, personne, personne, et personne.
    Déjà, DDV a quelques signatures ici et ailleurs.
    L’autre Bilan de Sarkozy (le caché), c’est.. toutes les élections perdues !
    Il ne reste plus rien.. Alors.. Donc.. Obligatoirement..
    les élus de « gauche » comme on dit, vont bien l’aider.. ces sénateurs, voire quelques députés ou quelques élus de Régions.

    La France. La coupée en Tranches, l’en-deux, l’en-trois ou l’en-quatre, cette France.. Tout ceci serait bon pour un Rassemblement à venir. Tout ceci serait bon pour un Redressement à faire.

  3. charles

    « Le sursaut d’orgueil de Dominique de Villepin ».
    Un peu, c’est bien. Car il en faut.
    Trop, c’est comme tout. Trop c’est trop, c’est mal.

    Si c’est pour le Pays, alors là.. Nous en avons bien besoin.. pour nous rétablir.
    La France est lasse de.. l’Actuel, de Mr quotidien.
    Elle veut du.. Futur, donc demain, Mr De Villepin.

Ecrire un Commentaire