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François Goulard au JDD: "Sortir de cette politique de l'illusion"

Le député villepiniste du Morbihan, François Goulard, a indiqué qu’il ne votera pas la loi visant à interdire le port du voile intégral en France.

Contacté par leJDD.fr, il dénonce un projet gouvernemental « absolument artificiel » et invite le gouvernement à « sortir de cette politique de l’illusion, de l’affichage, des postures et des symboles » pour « s’attaquer aux vrais sujets qui préoccupent les Français. »

Enfin, François Goulard critique la « politique de facilité » du Président de la République: « Nicolas Sarkozy ne s’en cache pas: il cherche à cliver l’électorat. C’est une tactique qui pouvait marcher quand il était candidat. Or, depuis 2007, il est président de la République. Son rôle est au contraire de rassembler les Français. »

Le Journal du Dimanche: Vous avez dit votre opposition à une loi sur la burqa. Qu’est ce qui vous choque finalement dans ce projet?

François Goulard: J’estime d’abord qu’il y a des sujets plus urgents à traiter. Ensuite, ce qui me choque, c’est que toute cette affaire n’est qu’une construction. Tout cela est absolument artificiel et pourtant, la burqa monopolise le débat politique et médiatique. Si l’on veut lutter contre l’intégrisme religieux, – ce qui, pour le coup doit être un vrai sujet – le voile intégral est loin d’en être la manifestation la plus dommageable. Je travaille actuellement sur les quartiers sensibles et je peux vous dire que la poussée, bien réelle, de l’intégrisme dans certaines zones se manifeste surtout par une forme de terrorisme moral et religieux envers la communauté musulmane: des gamins sont agressés dans la cour de l’école s’ils mangent pendant le ramadan, on surveille les poubelles pour vérifier que les gens ne mangent pas de porc, etc., cela va très loin! Voilà le véritable sujet à traiter: l’état de nos quartiers en France. Au lieu de cela, on se focalise sur la burqa! J’y vois un abaissement du débat politique.

Comme l’opposition, vous estimez que cette loi a pour but « de faire revenir les électeurs d’extrême droite à l’UMP ». Est-ce, selon vous, le principal objectif du gouvernement?

Pas du gouvernement, mais de Nicolas Sarkozy! On a l’impression que le président de la République est un candidat sans cesse en campagne. Il a, et je m’en suis réjoui, réussi à capter des électeurs du Front national en 2007. Mais, lors des dernières élections régionales, ceux-ci sont repartis au FN, avec le sentiment d’avoir été trompés. Du coup, dans l’optique de la présidentielle de 2012, le chef de l’Etat, par un discours très sécuritaire, est reparti à la chasse. Tout cela n’est que de la tactique politique et j’estime que ce n’est pas le rôle du président de la République que de se livrer à ce genre de manœuvres politiciennes.

Vous dites également que cette loi pourrait « entacher l’image internationale de la France ». En quoi, exactement?

Le bruit médiatique autour de la burqa se fait évidemment entendre à l’étranger, et notamment dans les pays musulmans où, avec beaucoup de nuances je vous l’accorde, cette interdiction est perçue comme une provocation à l’égard des musulmans. Dans ces pays-là, le sentiment anti-Français ne peut donc que se développer.

Certains peuvent toutefois vous objecter que le gouvernement fait preuve de courage en s’attaquant de front au voile intégral, qui n’est pas reconnu par l’Islam…

Quel courage? L’interdiction de la burqa est un sujet facile à faire passer dans l’opinion publique, cela ne demande pas beaucoup d’efforts. En outre, le recours à la loi est l’acte le plus commode pour le gouvernement: ça ne coûte rien et le texte sera largement approuvé. Et qu’importe si, en pratique, cela ne règlera aucun problème…

Souhaiteriez-vous que le gouvernement fasse marche arrière, au risque de se dédire?

Je souhaiterais surtout que le gouvernement soit sérieux. Il faut sortir de cette politique de l’illusion, de l’affichage, des postures et des symboles. Il faut s’attaquer aux vrais sujets qui préoccupent les Français, dans la continuité et avec des lignes directrices qui leur soient clairement expliquées. Ce qui n’est pas le cas à l’heure actuelle.

Identité nationale, voile intégral, Nicolas Sarkozy peine à instaurer un débat serein sur ces sujets. Pourquoi?

Parce que les sujets choisis sont volontairement polémiques et sont en outre jetés en pâture sur la place publique de manière simplificatrice. D’ailleurs, Nicolas Sarkozy ne s’en cache pas: il cherche à cliver l’électorat. C’est une tactique qui pouvait marcher quand il était candidat. Or, depuis 2007, il est président de la République. Son rôle est au contraire de rassembler les Français. Il cède à une politique de facilité.

Sur la polémique actuelle, Brice Hortefeux a-t-il, selon vous, commis une faute politique en allant un peu vite en besogne?

Plus qu’une faute politique, c’est une faute morale! L’artifice est grossier: cette affaire n’est pas le fruit du hasard. On avait déjà repéré l’individu en question (Liès Hebbadj), et on s’est servi de la verbalisation de sa compagne voilée pour intervenir, avec, qui plus est, la menace d’une sanction qui n’est même pas prévue par le code pénal. Cette manière de faire est inqualifiable!

Pensez-vous comme Eric Besson qu’il faille adapter la législation concernant la polygamie en France?

Là encore, c’est extraordinaire. Le ministre de l’Intérieur commet une faute lourde en invoquant une sanction qui n’est pas prévue par les textes et il faudrait, pour lui donner raison, changer la loi? C’est parfaitement absurde!

Source: Nicolas Moscovici (Le Journal du Dimanche)

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