Print Shortlink

Dominique de Villepin, invité de Marc Tronchot sur RTL

Dominique de Villepin était, mercredi matin, l’invité de Marc Tronchot sur RTL.

Marc Tronchot : Bonjour, Dominique de Villepin.

Dominique de Villepin : Bonjour, monsieur Tronchot.

La visite de monsieur Medvedev en France débouche sur une nouvelle coopération avec la Russie et une négociation exclusive portant sur la fourniture de quatre navires militaires français de type Mistral à la Russie. Est-ce que cela participe d’une bonne vision géopolitique et stratégique ; en d’autres termes, c’est bien vu ou c’est dangereux ?

Je pense que c’est bien vu dès lors que l’on apprécie l’importance du partenaire russe à sa juste mesure et je pense qu’il y a deux éléments dont il faut se souvenir. Le premier, c’est que la relation avec la Russie est incontournable. Pour l’Union européenne, le partenaire russe est un partenaire d’avenir. C’est vrai sur le plan politique, c’est vrai sur le plan économique, c’est vrai sur le plan géostratégique.

Le deuxième élément dont il faut se souvenir et qui est important quand on voit les commentaires qui accompagnent cette visite, c’est que tout calcul qui viserait à jouer monsieur Medvedev contre Vladimir Poutine serait une erreur. La Russie est un pays qui est engagé à faire face à de grands défis et nous devons accompagner la Russie et l’ensemble de ses dirigeants.

Il y a des conditions à mettre à ce partenariat, je pense notamment aux Droits de l’Homme ?

Les Droits de l’Homme doivent être rappelés. Nous sommes et nous devons être exemplaires et insister sur cette question. Nous devons le faire avec l’ensemble des interlocuteurs russes mais je ne suis pas sûr que cela doive être une condition, sans quoi nous serions amenés à avoir peu de relations avec beaucoup de grands pays du monde, donc c’est un sujet qui doit être en permanence intégré dans nos relations avec ces pays, de façon volontaire mais de façon incitative sans pour autant que ce soit un élément de blocage dans ces relations.

L’idée c’est de s’assurer du soutien des Russes dans le conflit avec l’Iran sur la politique nucléaire de ce dernier. C’est un calcul intelligent ?

C’est un calcul important, mais il n’y a pas que l’Iran. Il y a aussi des grands sujets comme l’Afghanistan, le conflit israélo-palestinien. Nous avons besoin des Russes, de la voix de la Russie sur l’ensemble des grands conflits de la planète.

Le Salon de l’Agriculture, monsieur de Villepin, vous y serez dans la journée. Vous nous le faites à la mode Chirac, après la Bretagne, il y a peu, on ne vous savait pas si près de la terre, monsieur de Villepin. C’est l’air de la campagne qui vous convient ?

C’est l’importance de la campagne et du monde rural pour notre pays. Or, ce salon ne se déroule pas tout à fait comme les autres salons des autres années. Jamais depuis des décennies, la crise qui frappe le monde agricole n’a été aussi sévère.

Vous allez forcément être interrogé ?

On le voit quand on regarde la baisse des revenus agricoles : plus de 30% en 2009 ; 50% sur les deux dernières années. Donc, c’est un défi tout à fait considérable et c’est un défi pour nous tous car derrière l’enjeu agricole, il y a les questions d’environnement, la contribution du monde agricole à l’énergie, il y a les questions de sécurité alimentaire et l’indépendance alimentaire de la France.

Qu’est-ce que vous allez leur dire, par exemple à tous ces producteurs de lait qui vont vous exprimer leur inquiétude, qui vont vous dire qu’ils ne gagnent plus leur vie, qu’ils imaginent même parfois la fin de leur métier ?

Il y a à la fois des réponses dont certaines sont engagées à l’heure actuelle par le gouvernement à travers le projet de loi de modernisation agricole. C’est l’effort de Bruno Le Maire, en particulier pour garantir des prix, des prix stables quand on voit l’évolution du prix du lait, du prix du blé au cours des dernières années, et la volatilité est insupportable à vivre pour les agriculteurs. Donc, une contractualisation entre les producteurs et les industriels distributeurs.

Il y a, par ailleurs, la nécessité d’un grand effort de régulation à l’échelle européenne. Et c’est là sans doute où il faut un engagement supplémentaire. C’est au niveau du chef de l’Etat que les choses doivent être décidées. J’ai moi-même longtemps traité ces questions auprès de Jacques Chirac comme ministre des Affaires étrangères et j’ai pu apprécier à quel point l’engagement du Président de la république avec ses différents collègues européens et en particulier le chancelier allemand, les discussions au plus haut niveau à l’époque entre Gerhart Schroëder et Jacques Chirac ont permis de débloquer les choses. Et je pense que nous avons besoin, nous la France, de demander un Conseil européen exceptionnel sur les questions agricoles. C’est aujourd’hui la responsabilité du chef de l’Etat français que de défendre l’avenir de nos campagnes.

Le Président Sarkozy, précisément, a fait une erreur de sembler snober le monde agricole en n’inaugurant pas le Salon ?

Ah je ne comprends pas qu’on puisse employer ce terme puisqu’il sera présent en fin de salon pour une table ronde.

Ce n’est pas la même valeur symbolique. Ca n’a pas été ressenti comme telle.

Ca n’a pas été ressenti comme telle parce qu’il y a aujourd’hui une très vive inquiétude du monde rural. On peut même parler de crise de confiance, à la fois dans l’avenir…

Donc, il n’a pas eu raison ?

… Et la difficulté à trouver sa place. Je pense qu’il aura à cœur de corriger cela mais il est attendu à travers des initiatives fortes et il ne faut pas décevoir le monde rural. Une fois de plus, ce n’est pas une catégorie, une communauté parmi d’autres. Le monde rural, c’est nous tous, c’est une partie de l’identité française, c’est véritablement un avenir qui nous concerne tous.

La banlieue, il n’y a pas si longtemps, monsieur de Villepin ; le monde agricole maintenant ; la prochaine étape de votre campagne de séduction des déçus du sarkozysme, elle vous mènera où ?

(Rire…) Ah, il ne s’agit pas de décevoir ou enfin, de séduire les déçus. Il s’agit de s’intéresser et de mieux comprendre les difficultés que traverse notre pays. Nous sommes, certes, en sortie de crise mais on ne voit pas les effets de la reprise et il faut que la France sorte pourtant plus forte compte tenu de la compétition mondiale du monde dans lequel nous vivons. Donc, ça implique des propositions, ça implique des réflexions ; et je veux offrir une alternative au sein de la Majorité à la politique qui est menée dont je pense qu’elle ne donne pas suffisamment de résultats.

Vous attendrez jusqu’à quand avant de faire savoir aux Français ce que sont vos intentions pour 2012 ?

Vous savez, 2012 est encore loin. Ce qui intéresse les Français aujourd’hui c’est ce que nous allons faire en 2010, en 2011 ; donc à chaque jour suffit sa peine.

Ce qui est important, c’est d’améliorer les propositions qui peuvent être faites aux Français. Les Français, aujourd’hui, sont inquiets devant l’avenir. Ils sont inquiets comme consommateurs, ils sont inquiets comme citoyens. Et cette crise de confiance, elle peut être corrigée. Faire davantage en matière d’emploi. Il y a, bien sûr, un certain nombre de pistes qui ont été essayées comme les exonérations de charges mais il y en a d’autres tel que l’assouplissement en matière d’entrée sur le marché du travail ou de sortie du marché du travail. Ce sont des pistes que j’avais moi-même explorées entre 2005 et 2007 en créant plus de 600.000 emplois dans cette période. Donc, il y a des leçons à retenir.

J’ai le sentiment aussi que tout ce qui peut être fait pour alléger la dette de la France, tout ce qui peut être fait pour renforcer la justic
e sociale, et à mon sens c’est le message le plus fort que le gouvernement et le Président de la République devraient adresser aux Français : davantage de justice sociale, faire en sorte que ceux qui sont les plus aisés puissent contribuer davantage à l’effort national, tout ceci contribuerait à redonner confiance aux Français.

Vous craignez à votre sanction aux Régionales, votre sanction pour l’exécutif ?

Dès lors qu’il y a crise de confiance, dès lors qu’il y a incertitude devant l’avenir, il y a besoin de rassurer, il y a besoin surtout de justice et c’est pour cela que le rôle du Président de la république et du gouvernement aujourd’hui, c’est d’inscrire l’effort politique dans le cadre de cette justice sociale.

D’un mot et d’un dernier mot, vous avez pu à nouveau rencontrer Jacques Chirac et déjeuner avec lui. Vous vous êtes redit votre amitié l’un pour l’autre ?

Ah nous n’avions pas besoin de redire l’amitié et l’affection, c’est celle de plusieurs dizaines d’années ; mais c’est le bonheur et le plaisir de se retrouver, oui.

Une amitié qui n’est pas démentie ?…

C’est certain.

Dominique était l’invité de RTL ce matin. Merci.

Ecrire un Commentaire